Généralités sur les énergies renouvelables
Longtemps exploitées, bien avant le XXe siècle pour certaines d’entre elles, les énergies renouvelables sont devenues, en 1973, sujet d’actualité lors du premier «choc pétrolier». Bénéficiant de technologies plus performantes qu’autrefois, leur extension se heurte toutefois aussi bien à de piètres rendements qu’à des coûts d’exploitation trop élevés et des intérêts industriels bien installés. |
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Les énergies renouvelables s’opposent aux énergies non renouvelables. Mais la disponibilité à l’infini de ces énergies n’a de sens qu’à l’échelle humaine. En effet, il ne faut jamais perdre de vue que l’énergie, quelle que soit sa forme, est un contenu propre à une substance ou à un système, et que toute utilisation d’énergie revient à l’en retirer irrémédiablement. D’autre part, si une partie de l’énergie consommée a effectivement servi, le reste est le plus souvent perdu et se retrouve dans l’environnement, c’est-à-dire l’air ambiant, qui sert de «poubelle énergétique». |
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Si bon nombre de filières énergétiques ont été proposées comme ressources possibles et solutions idéales aux problèmes de nos sociétés industrielles, il ne faut pas oublier que le sujet concerne en premier lieu le physicien qui apporte la connaissance; puis l’ingénieur et ses savoir-faire, l’économiste et ses bilans économiques, et enfin le politique à qui revient la décision. |
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Quant aux diverses formes d’énergie, certaines sont mieux adaptées que d’autres à un usage donné, et la conversion mutuelle entre formes d’énergie apparaît ainsi inévitable, même si le rendement en souffre souvent considérablement, ce qui est d’autant plus pénalisant pour des énergies peu concentrées. |
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L’énergie solaire
Ce que l’on désigne par énergie solaire est le rayonnement émis dans toutes les directions par le Soleil, et que la Terre reçoit à raison d’une puissance moyenne de 1,4 kW/m², pour une surface perpendiculaire à la direction Terre-Soleil. Ce flux solaire est atténué lors de la traversée de l’atmosphère par absorption ou diffusion, suivant les conditions météorologiques et la latitude du lieu; au niveau du sol, la puissance restante est de l’ordre de 1 kW/m². La quantité d’énergie utilisable varie entre 800 et 2 500 kWh/m²/an, encore suivant le lieu. |
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En France, la quantité moyenne d’énergie disponible se situe entre 1 200 et 1 900 kWh/an, avec pour moyenne 1 500 kWh/an; les régions les plus favorisées sont le quart sud-est, ainsi qu’une zone atlantique entre Nantes et Arcachon. |
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Le Soleil, source de vie
Le rayonnement solaire est à l’origine de la plupart des formes d’énergie que nous exploitons; les combustibles fossiles, charbon, pétrole et gaz naturel, en sont issus, mais ne sont pas renouvelables à l’échelle de l’humanité. C’est le rayonnement solaire qui est à l’origine des cycles hydrologiques qui alimentent les cours d’eau et les flux aériens, ainsi que les marées océaniques (en liaison avec la Lune); c’est lui aussi qui fournit aux végétaux, la biomasse, l’énergie nécessaire à leur développement par photosynthèse. En plus de ces sources d’origine solaire indirecte, il existe des possibilités d’utilisation directe du rayonnement solaire par conversion du rayonnement en chaleur. Mais si le Soleil constitue indéniablement un énorme réservoir d’énergie, inépuisable à l’échelle humaine, son exploitation se heurte au fait qu’elle est diffusée irrégulièrement, qu’elle est de faible densité, et que le rendement de conversion est loin d’être favorable. |
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La conversion thermique à basse température
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Les serres
Le rayonnement solaire, seule forme d’énergie transmissible à grande distance sous forme d’ondes électromagnétiques, est absorbé (inégalement) par les objets qui y sont exposés, et est converti en chaleur. Si de plus on expose des objets au rayonnement solaire à travers une paroi de verre, les fréquences correspondant au rayonnement infrarouge sont arrêtées, «piégées» par le verre: c’est ce que l’on connaît sous le nom d’effet de serre
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Les serres pour cultures florales ou maraîchères sont connues depuis longtemps; elles assurent des récoltes précoces. L’effet de serre peut être avantageusement complété au moyen d’un réchauffage par ruissellement sur les parois, en faisant appel à la géothermie basse température ou à la récupération de rejets industriels, ceux des centrales électronucléaires par exemple. |
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Les capteurs solaires
Les capteurs solaires plans sont constitués d’un caisson fermé par un couvercle en verre, et renfermant une canalisation parcourue par de l’eau (fluide caloporteur). Tout l’intérieur est peint en noir de façon à absorber le maximum de rayonnement; le rendement d’un capteur bien réalisé dépasse 50 % et permet de produire l’eau chaude sanitaire d’une habitation. La température atteinte ne dépasse pratiquement pas 80 °C. Le couplage de capteurs solaires avec un chauffe-eau électrique assure la fourniture d’eau chaude quelles que soient les conditions d’ensoleillement; le gain d’un tel chauffe-eau solaire peut être estimé à environ 50 % de la dépense annuelle, avec un amortissement du surcoût d’installation sur une dizaine d’années. |
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Les capteurs à concentration permettent d’atteindre des températures supérieures à 150 °C; une surface réfléchissante de forme cylindrique concentre le rayonnement solaire sur un récepteur parcouru par le fluide caloporteur. L’eau chaude produite peut être utilisée directement pour le chauffage de locaux, de serres, de piscines, ou à des fins industrielles. Elle peut aussi être transformée en travail mécanique ou électrique de façon très classique, avec toutefois un faible rendement dû à la température trop basse de la source chaude. |
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Les maisons solaires
Le rayonnement solaire peut aussi servir à chauffer directement des locaux d’habitation; des maisons solaires ont été expérimentées dans des sites variés, les meilleurs étant ceux qui correspondent à un ensoleillement annuel maximal. La construction doit être fermée vers le nord, ouverte au sud; la collecte de l’énergie se fait par les murs, des panneaux solaires, et éventuellement par une serre; un système de chauffage d’appoint doit être prévu. Les difficultés proviennent de l’irrégularité du rayonnement, suivant la latitude du lieu, la saison, l’heure de la journée, et l’état de l’atmosphère; de plus, le soleil manque essentiellement quand on en a le plus besoin, de l’automne au printemps. Un stockage de la chaleur est donc primordial, et de préférence sur une longue période, afin d’utiliser en hiver la chaleur captée et stockée pendant l’été. |
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La conversion thermique à haute température
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Le four solaire
Le principe mis en œuvre est la concentration du rayonnement, mais avec un facteur multiplicateur beaucoup plus grand que dans le cas précédent. Le meilleur exemple en est le four solaire d’Odeillo, créé en 1968 en Cerdagne, successeur de celui de Lavoisier, après les fours de Meudon (1946) et de Mont-Louis (1949). À Odeillo, le rayonnement solaire est capté par un «champ» de 63 miroirs plans orientables de 45 m² chacun, puis réfléchi sur un miroir parabolique formé de 9 500 miroirs élémentaires de 0,45 m de côté courbés par contrainte mécanique. Le faisceau convergent ainsi obtenu permet d’atteindre une puissance de 1 MW, soit 1 000 fois la puissance reçue au sol; les matériaux exposés à ce rayonnement peuvent être portés à des températures de 1 500 à 3 800 °C. Les recherches portent sur les réactions à hautes températures, les propriétés mécaniques et électriques des matériaux, la préparation d’oxydes réfractaires de grande pureté. |
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La centrale thermique
La centrale thermique Thémis, construite en 1976, à Targassonne, dans les Pyrénées-Orientales a permis d’étudier les problèmes liés à la conversion du rayonnement solaire en électricité. La concentration d’énergie était obtenue par des miroirs plans orientables sur une chaudière placée au sommet d’une tour. Avec comme fluide caloporteur des sels fondus portés à 450 °C et un système de stockage indispensable, la puissance électrique était de 2,5 MW. L’exploitation de Thémis a été arrêtée en 1986 (prix de revient du kWh: 10 F contre 0,23 F pour le kWh nucléaire), mais les installations sont utilisées pour des expériences d’astrophysique. En Californie, huit centrales d’une puissance totale de 275 MW produisent de l’électricité à une période de la journée qui correspond à une forte utilisation des climatiseurs, et sont relayées par des centrales thermiques au gaz. |
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La conversion photovoltaïque
C’est la transformation directe du rayonnement solaire en électricité dans une photopile. L’effet photovoltaïque découvert en 1839 par Antoine Becquerel est produit généralement dans des disques très minces de silicium monocristallin dont des zones superposées sont dopées par des atomes de bore et de phosphore; une tension de 0,6 V apparaît entre ces zones. Les photons incidents entrent en collision avec les atomes de la cellule et provoquent un mouvement des charges (électrons) entre les deux zones. L’intensité du courant continu fourni est de 0,03 A/cm² de cellule. |
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Avec un prix de revient de l’ordre de 100 F le watt installé, un rendement de l’ordre de 15 % pour les photopiles industrielles, une durée de vie de 15 à 20 ans, un prix de revient de 5 à 15 F le kWh produit et une grande sensibilité à l’humidité, ce type de convertisseur d’énergie est principalement intéressant pour les installations difficilement raccordables à un réseau de distribution électrique: balises, signalisation routière aérienne ou maritime, relais hertziens, systèmes de pompage, habitations isolées. Le développement des photopiles passe par une amélioration du rendement de conversion et un abaissement substantiel du prix de revient. Des matériaux autres que le silicium cristallin font l’objet de recherches et/ou de développements, tels le silicium amorphe qui revient moins cher (utilisé dans les calculettes, montres, détecteurs, capteurs) et le silicium polycristallin à l’arséniure de gallium. |
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Des centrales électriques sont en cours d’expérimentation en Allemagne, en Suisse, en Espagne, ainsi qu’en Italie qui détient la plus puissante pour l’Europe: 2 600 000 cellules pour une puissance de 3,3 MW. |
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L’énergie de la biomasse
La biomasse est tout ce que produisent la terre et les milieux aquatiques sous l’action du rayonnement solaire: arbres, plantes, algues. Les végétaux contiennent de l’énergie; ils ont d’ailleurs constitué pendant des millénaires l’unique source d’énergie utilisée par l’homme: les aliments de l’homme lui-même et du bétail qui étaient les seuls moteurs, et le bois, seul combustible connu, employé avec un rendement énergétique désastreux jusqu’à la découverte des combustibles fossiles. |
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La conversion thermochimique
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La combustion
Le bois peut être employé tel quel, comme combustible; c’est de loin la forme d’énergie de la biomasse la plus utilisée. En France, le bois est essentiellement utilisé pour chauffer les habitations individuelles; près de la moitié d’entre elles y ont recours, surtout en milieu rural où il est souvent peu onéreux, voire même gratuit. Rappelons que la forêt recouvre 25 % de la superficie de la France. À la combustion directe s’ajoute également la pyrolyse ou carbonisation: en chauffant le bois, on obtient un gaz combustible, des produits condensables (eau et goudrons), et un résidu solide, le charbon de bois (production annuelle en France: 60 000 t). Ce charbon de bois est intéressant par sa faible densité, mais il ne contient que 30 à 50 % de l’énergie initiale du bois pyrolysé. Cependant, des installations à haut rendement, telle celle de Framatome-Cemagref implantée à Clamecy, permettent d’approcher un rendement de 90 %. |
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La photosynthèse
En ce qui concerne le reste de la biomasse, il faut d’abord constater qu’il s’agit d’une ressource considérablement dispersée à la surface du globe, dont la «récolte» est souvent difficile (océans, zones arides). La production végétale est liée à l’action de la lumière; la photosynthèse réalise la conversion directe de la lumière (spectre visible du rayonnement solaire) en énergie chimique sous forme de matériaux carbonés utilisables comme aliments, fibres, matières premières industrielles, et combustibles. En moyenne, le rendement énergétique de conversion de l’énergie solaire incidente en substance végétale ne dépasse guère 2 %; il varie selon les plantes et la région considérée. |
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La gazéification
La gazéification à l’air consiste à chauffer à haute température des déchets végétaux ou des ordures organiques; on obtient un gaz combustible composé essentiellement de monoxyde de carbone et d’hydrogène. Ce gaz peut alimenter les brûleurs de chaudières pour le chauffage collectif, ou être utilisé dans des moteurs à combustion interne de type Diesel ou essence, modifiés. |
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La gazéification sous oxygène, technologie très récente, permet d’obtenir de meilleurs rendements. |
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La conversion biochimique
Il s’agit de divers procédés de fermentation des végétaux. |
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La fermentation éthylique. Elle est connue depuis la plus haute antiquité; elle fait intervenir une levure, s’applique à des jus sucrés (fruits, betterave) et produit de l’éthanol ou alcool éthylique. |
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La fermentation méthylique. Elle utilise, toujours sous l’action de levures, des déchets végétaux riches en amidon (ou éventuellement sucrés), et produit du méthanol ou alcool méthylique. Pour les végétaux non sucrés, la transformation préalable de l’amidon en sucres est indispensable; elle s’obtient par traitement acide mais est très coûteuse. Éthanol et méthanol peuvent être utilisés comme carburants (biocarburants) dans les moteurs d’automobiles adaptés, après épuration (élimination de CO2 et H2S). Au Brésil, 10 milliards de dollars de subventions ont permis de diffuser un biocarburant auprès de 4 millions d’automobilistes; aux États-Unis, on produit du biocarburant à partir du maïs; en France, l’emploi de ce carburant est autorisé depuis 1988. Une solution intéressante est celle d’un mélange d’essence et de biocarburant (10 à 20 %); le prix de revient de l’alcool de betterave est d’environ 3 F par litre, et pour le vin 12 à 15 F par litre. |
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La fermentation anaérobie des déchets végétaux. Elle permet d’obtenir un biogaz composé de méthane CH4 (50 à 65 %) et de dioxyde de carbone; ce même gaz est connu depuis longtemps: le gaz des marais ou feu follet se forme naturellement dans la vase sous l’action de micro-organismes et en l’absence d’air; il se forme également par décomposition des déchets animaux, tels le fumier et le purin. La fermentation méthanique peut être obtenue artisanalement (au niveau d’une exploitation agricole par exemple) dans des digesteurs, cuves légèrement chauffées dans lesquelles on introduit le fumier avec circulation continue du purin. Le chauffage des locaux de l’exploitation peut être assuré avec un troupeau de 30 bovins ou 500 porcs. Ce procédé concourt en même temps à la dépollution de l’environnement. |
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D’autres conversions biochimiques La fermentation acétonobutylique consiste à traiter des jus sucrés, de topinambour par exemple, ou riches en cellulose (pomme de terre, betterave, sorgho, canne à sucre, bois, paille, papier); on obtient un mélange d’acétone, d’éthanol et de butanol. Le pouvoir calorifique de ce biogaz est peu élevé, et ses inconvénients ne manquent pas dans son emploi comme carburant moteur: départs à froid difficiles, importante corrosion due au méthanol qui, de plus, est toxique. |
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L’éthyle-tertio-butyl-éther est obtenu en ajoutant de l’isobutène à l’éthanol; il remplace le plomb comme antidétonant dans l’essence sans plomb (il augmente l’indice d’octane du carburant). |
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Le Diester (appellation commerciale, acronyme de Diesel et ester) est obtenu à partir du colza et du tournesol; mélangé au gazole au taux de 5 %, il peut être utilisé sans modification dans les moteurs Diesel de faible puissance et dans les chaudières de chauffage central. Pour les installations de grande puissance, le taux de mélange peut atteindre 50 %; les émissions de fumée sont réduites de moitié, et de plus c’est un carburant exempt de soufre. En France, plusieurs villes d’importance diverse ont équipé leur parc automobile pour l’utilisation du Diester. |
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La bioconversion directe est l’utilisation du rayonnement solaire pour obtenir directement des composés chimiques, sans passer par les étapes des conversions vues plus haut; la photosynthèse artificielle par exemple permettrait, en raccourcissant la chaîne énergétique, d’élever sensiblement le rendement de conversion. On pourrait obtenir des biocombustibles, tels l’hydrogène, dont on perçoit les immenses possibilités dans l’avenir, ou des molécules spécifiques à usage pharmaceutique par exemple. |